12.8.20

Reedição - Michelle (l'autre) - 07-05-2012

(16.8.20 - Revisto e corrigido pela G. Y., a quem aqui fica o agradecimento.)

 I 
Viens, on va guincher. - J'aime les mecs qui ont de la suite dans les idées ; je me suis levée. 

 II 
Je la connais de vue, elle bosse pas très loin d'où je vends de la quincaillerie, la journée. Et quand elle sort en boîte je la vois aussi. Elle est petite, sèche, noiraude et a un joli minois. En dansant elle presse ses nichons, durs et ronds comme deux petites oranges, contre ma poitrine. Elle n'a pas de soutif. Bientôt je le lui rends bien : sous mon falzard ma bite durcit et je la presse contre elle, tout contre. Elle s'en écarte, mais pas très vite. "Tu veux faire la fête, ma bibiche", me dis-je. Mais il a fallu tchatcher des heures durant avant de pouvoir lui fourguer rien que les paluches. Heureusement après tout a roulé très vite et en moins de deux j'étais dans la moule. C’est pas une allumeuse, remarquez. Seulement "entre la boîte et le plumard il y a un espace qu'il faut remplir, tu comprends ?" Elle voulait dire remplir avec des mots, avec les bons mots, des mots justes. Moi je m'en fous. C'est quoi un mot juste ? Suis pas très bavard, moi, juste ou injuste ; et plusieurs fois j'ai voulu laisser tomber. Mais elle me zieutait grave, avec des lampions comac. Elle voulait, juste pas trop vite. Ça j'ai pigé de suite. Question de poireauter un peu, parlapater un peu, peu vite tout ça. Michelle bosse dans une banque. Haute pointure, la nana. La semaine je vends, en ville, des conneries faites par mécolle. Les nuits de vendredi et samedi je vends des hotdogs devant une des boîtes de nuit du bled. C'est comme ça que je l'ai rencontrée - de temps en temps je rentre juste pour mater un peu. Le videur est un pote. – Purée tu schlingues. – Je vends des saucisses. – Viens, on se casse. Trois plombes du mat. A cette heure il n'y a que le Café du Commerce qui est ouvert. C'est craignos, mais c'est le seul. J'avais un peu la dalle et ai demandé un hamburger; elle n'a rien clapé. Quand nous sommes partis elle voulait casquer. Je lui ai dit non. Je suis fauché, mais pas paumé. Ma bouffe c'est moi qui la raque. A chacun sa merde, comme disait mon vioque. Du troquet nous sommes allés chez elle. Grosse bagnolle, grosse baraque. – Entre. Désacque-toi. La douche est ici. - Michelle n'avait visiblement pas l'habitude de recevoir des ordres. - Magne-toi, je t'attends au salon. C'était sept heures passées quand j'ai finalement réussi à lui fourrer les paluches dans les lolos. À sept heures et demie on niquait. On a passé le dimanche au pieu. 

III 
J'aime bien ce lascar. Il n'est pas lourdingue. Je le vois vendre ses breloques (enfin, pas les valseuses, ne vous gourez pas ; celles-là il se les garde bien gardées) sur la place. Je bosse juste devant. Et ses hotdogs à la mormoileneux devant la disco les weekends. Il est calmos, posé, les crocs toujours dehors. Jamais l'air d'être à côté de ses pompes. Il assure, ne s'excite jamais, parle angliche avec les amerloques et allemand avec les casques à pointe. Un peu maigrelet, grand, beau gosse. Je me suis toujours demandée ce qu'il foutait là. J'ai 36 berges, je suis cadre sup dans une banque. J'ai grimpé à la verticale ; jamais eu besoin de m'allonger pour monter. Une gonzesse jeune et seule dans un monde de vieux schnocks. Pas de grandes histoires : depuis la fac plus jamais de longues amours. Un coup à gauche, un coup à droite ; que de l'hygiénique. Les mecs n'aiment pas les greluches qui ont de la pogne ; et ceux qui faisaient mine de me supporter étaient plutôt après mon fric. J'en ai pris des raclées, ne pensez pas. Mais je me sens bien, maintenant. Antoine m'a tapé dans l'oeil d'abord parce qu'il présente pas mal; en boîte il n'a pas accepté que je lui paie les verres; ensuite on est allés dans un troquet immonde, et il m'a prévenu: "chacun douille sa bouffe". Je l'ai fait moisir un peu avant de passer au pieu, histoire de ne pas le laisser croire qu'il suffit d'être beau et pas tapeur pour avoir partie gagnée. On est resté pieutés tout le dimanche ; et on a continué de se voir après. Je savais que dalle de lui : il était visiblement bien éduqué et cultivé ; tambouillait et baisait comme un dieu ; parlait très peu, et encore moins de sa pomme. On n'allait pas au restaurant : il ne voulait pas que ce soit moi à casquer et je le lui rendais bien. En revanche on cassait souvent la croûte chez lui ; j’en profitais pour lui amener une bouteille d'un bon rouquin, qu'il appréciait visiblement. Peu à peu - ce n'est pas une formule, ce fut ainsi que les choses se passèrent - j'ai appris à le connaître, à respecter ses silences, à apprécier sa vaste culture. On se fendait bien la gueule, remarquez. Il avait un bon sens de l'humour et je me poilais avec ses blagues. Des fois il m'arrivait de partir en voyage de travail. Rares furent les villes pour lesquelles il ne donnât pas une indication, soit d'un gastos, soit d'une rue ou d'un musée. Il avait voyagé et il avait eu du fric. Pourquoi vendait-il de la quincaillerie et des saucisses dans la rue ? Deux, trois, quatre mois. Antoine me semblait être "l'homme qui n'était pas là". Ça me convenait, faut le dire : c'était comme avoir un jules et ne pas en avoir, en même temps. Des fois il m'offrait un bouquin, des fleurs, un des colliers qu'il faisait. Un jour je lui ai dit "tu me donnes tout sauf des paroles". "Jacter n'est pas mon fort". Le lendemain il m'apporta un disque de Hildegarde von Bingen et dit "tout est là". Je ne sais pas si vous avez déjà tiré un coup en écoutant de la musique sacrée du Moyen Age ; ne le faites pas, les frangines. a risque de vous ramollir. Une fois il a commencé "je t'..." et s'est arrêté. J'ai eu envie de lui répondre "moi non plus", mais je me suis écrasée. L'amour n'était pas prévu et encore moins le bienvenu. Un jules comme Antoine ça allait ; mais l’amour ? Ça a duré jusqu'à ce qu’il me soit impossible de le nier : j'étais amoureuse de lui. Ce soir-là je suis allée chez lui - c'était un vendredi, il préparait ses saucisses - et lui ai dit que je partais. "L'amour n'était pas au programme". Je lui ai laissé un gros talbin. "Prends-le", il m’a dit. "Je vais le déchirer". "Je sais. Fais-en ce que tu veux, il est à toi". "Ciao". "À la revoyure". La dernière chose que je lui ai entendu dire, très bas, c’était "moi aussi". 

IV 
Quitter Antoine m'a fait découvrir la vraie dimension de ma solitude. Les coups hygiéniques ont perdu leur intérêt. Le boulot a cessé de me plaire. Il m'a fait découvrir un monde dont je ne soupçonnais même pas l'existence, ou dont je ne voulais pas entendre parler : le mien. Il y avait une gonzesse en moi, muette depuis longtemps. Elle sortait, maintenant. Impossible de lui fermer sa gueule. J'ai pas mal chialé, pris quelques cuites et quatre mois plus tard je me mariais à un collègue d'une autre banque. Y a pas photo : six mois après le mariage je m'emmerdais ferme. De temps en temps je sortais seule. Je laissais Christophe-Louis à la maison et allait faire la bringue. Un soir je suis retournée à la boîte où j'avais rencontré Antoine. Il était toujours devant avec son chariot, ses saucisses, son sourire aimable mais distant. Je ne l'ai pas regardé, mais je savais qu'il m'avait vue. 

V
- Viens, on va guincher. - J'ai reconnu sa pogne sur mon épaule avant même de comprendre ce qu'il me disait. Christophe-Louis n'a jamais compris pourquoi j'ai voulu divorcer. Pas même avec le disque de Hildegarde von Bingen que je lui ai apporté, en disant "écoute-le bien, tout est là". Ce soir-là j'ai pioncé chez Antoine. Dès que l'autre a déguerpi de chez moi Antoine a emménagé. Nous avons un accord : on ne parle pas de fric à la maison, comme d'autres ne parlent pas de politique ou de cul. Dans un tiroir j'ai toujours le talbin que je lui avais laissé, déchiré en dizaines de morceaux ; il les a mis dans une matière transparente et en a fait quelque chose qui ressemble vaguement à un bracelet. "Pas pu les foutre loin", il m’a expliqué. "Je sais combien tu respectes le pognon".

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